PRÉSENTATION
Présentation générale de l’œuvre
Stéphane Sangral est poète, philosophe et psychiatre. Son esthétique tourne autour de la figure de la boucle. Il est l’inventeur du concept d’individuité.
Toute l’œuvre de Stéphane Sangral peut se résumer à une interrogation sur « l’étrangeté d’être, et plus précisément d’être conscient, et plus précisément d’être conscient d’être conscient » [1], voire même, comme le dira Véronique Bergen, peut se résumer à la description et la conjuration d’une « impossible inscription dans l’être » [2].
La conscience réflexive, c’est-à-dire le fait d’être conscient d’être conscient, étant une boucle conceptuelle, sera à l’origine de cette esthétique de la boucle que l’on retrouvera aussi bien dans sa poésie que dans sa philosophie [3]. La figure de la boucle servira autant à revenir sur sa propre écriture (dans un processus d’autocritique sans fin, et dans une tentative d’accéder à une métaécriture) qu’à creuser par ses rotations le corps textuel pour en faire émerger plus de sens. Cette figure de la boucle illustrera aussi la difficulté d’inscrire l’existence dans autre chose que dans le fait de tourner en rond [4].
Je suis un labyrinthe, et j’y suis enfermé,
et ses tours et détours me dessinent mon moi,
et je rêve de fuir, et je suis enfermé
dans ce rêve, et parfois, l’esprit au bord de moi,
je me crois libéré de ces tours et détours,
et tourne en cette croyance qui n’est que tours
et détours d’un esprit fatigué de ses tours
et détours, et je suis de « je suis » le détour… [5]
L’œuvre sangralienne, dans sa totalité, s’engendrera à partir d’un seul poème, d’un distique de soixante-dix lettres, « à la fois funéraire et matriciel » [6] dira Thierry Roger, dont chaque livre en est l’expansion poétique et/ou philosophique :
Sous la forme l'absence s'enfle et vient le soir
et l’azur épuisé jusqu’au bout du miroir…
Dans cette œuvre, « le commencement est un nombre » [7] dira Jean-Luc Bayard. Éric Hoppenot explicitera le pourquoi du nombre soixante-dix : « Parce que l’association du sept (chiffre magique dans de multiples traditions, et par extension chiffre de l'art) et du dix (nombre mathématique par excellence, et par extension chiffre de la science) énonce une certaine finalité de cette [écriture], de ce désir d’une totalité réalisée par la multiplication de l’art et de la science. » [8] On peut également noter que ce nombre « fait écho à l’année de naissance du frère défunt (1970), dédicataire de l’œuvre » [9] (le 70 étant en chacun des livres écrit en italique).
Démarche poétique
La poétique de Sangral tente à la fois de « récapituler les structures prosodico-métriques qui ont émergé depuis le XIXe siècle » [10 ] dira Marc Dominicy, et d’élaborer des innovations sur les plans typographiques, rythmiques, syntaxico-sémantiques, linguistiques et métalinguistiques. Cela correspond à une volonté de ne faire le deuil de rien, de récupérer le passé pour le projeter dans le futur, et de récupérer la beauté simple du vers classique, sa sentimentalité, pour la projeter dans la richesse de la complexité, dans l’intellectualité : une « spéléologie cosmique à la Pierre Henry ou Pierre Boulez où s’écouleraient les rivières souterraines d’un Chopin » [6] dira métaphoriquement Thierry Roger. La forme pure du vers sera inquiétée, déconstruite, creusée, décomposée, elle enregistrera « la rupture propre à cette modernité néga-tive confrontée à la fin de la métaphysique et à la crise des fondements » [5].
« […] je rêve à l’écriture de ce texte, et je le rêve total, autoréférent, hypercohérent et global. » [11] : ce propos de Sangral peut s’appliquer à l’écriture de tous ses textes, poétiques ou philosophiques. Et cela sera même poussé à son extrémité dans le livre Circonvolutions (soixante-dix variations autour d’elles-mêmes) qui se présentera comme entièrement autotélique, entièrement bouclé sur lui-même. Ce projet d’hypercohérence textuelle sera envisagé d’une part comme un palliatif à l’impossible cohérence idéelle1, et d’autre part comme un palliatif à son projet originel de devenir compositeur : « Je me prends pour un compositeur lorsque j’écris. J’apporte évidemment un grand soin, comme tout auteur, à la rythmique et à la sonorité de mes phrases ou de mes vers, mais c’est surtout que je développe ma page comme s’il s’agissait d’une partition, en considérant par exemple le syntagme du début comme un thème musical que je dois transformer, malaxer, disloquer, enchevêtrer à d’autres, complexifier, mais en tout cas ne pas lâcher, et c’est pour cela que, telle une musique, il y a souvent beaucoup de répétitions, de ressassements dans mon écriture. Au fond, mon but est de réussir à écrire comme Bach écrivait ses fugues. J’ai bien conscience des limites de cette comparaison, je peux infiniment moins pétrir mes suites de mots qu’il ne pouvait le faire avec ses suites de notes, la nécessité de signifiance donnant un champ plus limité que la nécessité d’harmonie, je ne me fais pas d’illusion sur le fait d’arriver véritablement à ce niveau architectural, mais c’est le point de fuite de mon cheminement. Une musique donnerait rapidement la sensation de se perdre si elle n’était qu’une succession de notes pointant uniquement sur son devenir sans rien récupérer de son passé ; et bien j’ai cette même sensation lorsque je laisse ma plume suivre son fil sans revenir sur tout ce qui constitue le corps textuel. Alors j’ai besoin de retours, de reprises, de recommencements, de rengaines, de boucles. » [1]
Le rapport de Sangral à sa poésie ne peut être dissocié de son rapport à sa philosophie. La philosophie étant pour lui créatrice non de savoir mais de sens, « elle a besoin du langage dans toute son amplitude, jusqu’à son extrémité, jusqu’à son extrême extrémité, c’est-à-dire qu’elle a besoin de la poésie. Et par ailleurs la poésie a besoin de se remplir, d’épaissir sa consistance sémantique, et c’est pour cela qu’elle a besoin de la philosophie. » [12 ]
Démarche philosophique
Le concept majeur de la pensée sangralienne est le concept d’individuité. Sa définition ne peut être, comme la définition d’un individu, que parcellaire. Sur son volet social, « diagnostiquant notre vivre-ensemble gangrené d’essentialisme, tiraillé entre communautarisme et individualisme » [6] dira Thierry Roger, ce concept se définira comme : « désacralisation de tout groupe, sacralisation de tout individu » [13]. Sur son volet existentiel, une phrase extraite de Des dalles posées sur rien peut servir de définition : « Dans le monde de la Bible, Dieu se nomme « Je suis » ; dans le monde qui maintenant s’ouvre à nous, c’est Je suis qui se nomme « Dieu ». » [14] Le concept d’individuité se présente comme le nom d’un progressif basculement paradigmatique « déjà à l’œuvre, travaillant déjà toutes les couches civilisationnelles, et même s’accélérant, et même de façon exponentielle, mais restant malgré tout encore trop lent […], trop engoncé dans les résistances que lui oppose la pensée traditionnelle, à cause des lourdeurs structurelles du tissu institutionno-représentationnel, et n’ayant encore malheureusement que trop peu de résultats significatifs qui ne sont encore malheureusement que trop limités aux régions du globe économiquement développées. » [14] Ce basculement paradigmatique pourra se résumer comme cela : « Le présent ne suffisant pas, jamais, il nous faut nécessairement une quête existentielle, mais cette quête me paraît devoir subir un déplacement important, un remplacement radical de son point focal, une métamorphose que je formulerais comme cela : passer de « tendre, pour tous, la main vers des dieux [ou vers leurs ersatz séculiers] » à « tendre, pour chacun, à être un dieu ». […] Comme la Trinité dans le christianisme qui explicite trois manières d’exposer un dieu unique, il s’agit ici du dieu unique Je dont chaque être possédant une conscience réflexive est l’incarnation pleine et entière. […] Si le « Je » était le seul mot sacré dans le monde, strictement le seul, si la civilisation était suffisamment mûre pour se débarrasser de toutes les autres sacralités, si le concept de Je n’était existentiellement subordonné à aucun autre concept, dès qu’il y aurait un Je quelque part, il n’y aurait d’autre possibilité que le respect, ou du moins qu’une dynamique de respect dans la mesure de la situation. Cela ne décrit rien de moins qu’une politique de paix universelle. Comment faire une guerre si le moindre assassinat est un déicide ? Et comment tourmenter ou mutiler quelqu’un, c’est-à-dire un Je, c’est-à-dire un dieu, si ce dieu est le dieu unique et qu’en plus je le porte aussi en moi ? Cette divinisation universelle du Je, sans hiérarchisation entre soi et autrui, est évidemment une idéalité éloignée de la réalité psycho-sociologique historique, mais, porteuse d’efficacité dans la genèse de ressentis positifs, il n’est pas absurde de penser qu’un processus de sélection naturelle des pensées et des comportements peu à peu amènera les individus […] et leurs interrelations très à proximité de cette idéalité. » [14] S’inscrivant dans un nouveau paradigme ontologique, le concept de dieu devra être évidemment compris autrement que dans son acceptation traditionnelle. Le concept d’autotranscendance sera la clé permettant de continuer à utiliser le concept de dieu tout en restant rigoureusement dans la dimension de l’immanence. « Il ne s’agit pas de faire du Je un dieu comme les autres, un dieu qui, se nourrissant de notre croyance en lui, devenant surpuissant, écrase chaque individu et l’humanité, mais d’en faire un dieu atténué, inoffensif, une espèce de vaccin divin, une autotranscendance qui, vide de toute croyance en elle, exempte du vertige de surpuissance, rendrait infime le besoin de possession et l’orgueil. […] Le passage de la conceptualisation du mal du registre de la démonologie au registre de la psychologie a été sans conteste un progrès ; pareillement, l’introjection complète du concept de dieu sera à mon avis un progrès. » [14]
A la question posée par Rémi Lacoste de « la différence entre individuité et individualisme »15, Stéphane Sangral répondra que « L’individuité sacralise l’individu, c’est-à-dire tous les individus, tous les Je existants, tandis que l’individualisme ne sacralise que le seul cas particulier de l’individu que je suis, uniquement mon seul Je. L’individualisme est psychologiquement indigent, et intenable socialement. […] L’individuité, pour aller vite, c’est le respect à l’individu, quel qu’il soit, et c’est l’irrespect envers tout ce qui viendrait compromettre cela en se plaçant au-dessus de l’individu : tu vois, ça n’a pas grand-chose à voir avec l’individualisme. Prenons, entre mille conséquences psychologiques et sociales de l’individuité, l’exemple de la guerre, c’est-à-dire l’exemple du sacrifice d’individus au nom de sacralités collectives supérieures (le Dieu, la Patrie, le Territoire, l’Idéologie, la Richesse, etc…) : l’individuité, en tant que moteur de la déconstruction de ses sacralités soi-disant supérieures, en tant que moteur de la construction de la sacralité de chaque individu, est le moteur de l’élaboration progressive de l’inconcevabilité du recours à la guerre (que l’on voit d’ailleurs plus ou moins déjà entre les Etats démocratiques). »
La civilisation évolue à la fois vers de plus en plus d'individualisme et vers de plus en plus de solidarité. Comment penser ce troublant constat ? L’individuité est le concept manquant qui permet de dépasser cet apparent paradoxe, qui permet d’y trouver sa cohérence en montrant que peu à peu la civilisation transfère ses structures les plus fondamentales des dieux aux individus. C’est justement parce que l’individu progressivement devient sacré (et que donc sa hiérarchisation par groupe identitaire progressivement perd toute sa sacralité), que l’épanouissement individuel et que l’altruisme universel peuvent enfin espérer conjointement se développer sans plus se contredire ni se confronter. L’individuité est ce qui permet d’échapper à la fois à la morale sacrificielle et à la discrimination identitaire. Laissant tomber les fausses transcendances au profit de la conscience réflexive, faisant du Je le centre de l’univers, la civilisation peu à peu se structure sur le fait qu’il y a des milliards de centre à l’univers, un par subjectivité.
La base ontologique du concept d’individuité est constituée d’une dialectique entre, d’une part, l’inexistence d’un soi suprême au sommet de son esprit, la virtualité du Je, étayée par les neurosciences et les sciences cognitives, et d’autre part le fait que cette inexistence et cette virtualité n’ont de sens que dans la stricte dimension objective, autrement dit le fait que dans la dimension subjective (et donc intersubjective) le Je existe, et existe même comme un absolu : « c’est justement sa virtualité qui peut nous permettre de profiter pleinement de ce qualificatif d’absolu. Le rien et le tout du Je ne s’opposent pas, bien au contraire, car c’est seulement en assumant réellement son rien, en intégrant réellement la liberté que ce rien implique, l’absence de limite que magnifiquement il suppose, que l’on peut accéder au fait d’éprouver réellement son tout. » [14 ]
Les conséquences de ce lent basculement paradigmatique seront à la fois sociales (en termes de possibilité d’abolition des processus identitaires et de leur violence psychique et physique ‒ dont l’archétype est le militarisme ‒, de possibilité d’abolition des écrasantes structurations sociales verticales, rejoignant en cela la pensée libertaire) et existentielles (en termes de possibilité d’élaboration d’une identité singulière, émancipée, épanouie, de possibilité d’élaboration d’une verticalité individuelle). « Se rapprocher du divin est un mouvement de désappropriation de soi, la formation d’une brèche par laquelle s’engouffrent les injonctions collectives, et être, ainsi presque totalement noyé de sens exogène […], quasiment de non-sens, ne veut alors plus rien dire d’autre qu’être soumis ; par opposition, se rapprocher de notre propre dimension divine est un mouvement de réappropriation de soi, une densification tendant à nous imperméabiliser contre une grande part de l’artificialité du sens et à nous offrir, pour définition de notre être, la relative possibilité d’être authentiquement, dans notre vérité physiologico-psychique, et peut-être même la relative possibilité d’être pleinement. Je ne suis que le produit de mon environnement biologique et symbolique, et en même temps je suis bien plus que cela ; je ne suis qu’un réceptacle naturel où stagne et s’écoule l’eau des pluies sémantiques, et en même temps je suis celui qui boit cette eau, et qui la boit à sa façon ; je ne suis qu’une créature, et en même temps je suis créateur, créateur du songe salutaire de son autonomie existentielle. En même temps. Savoir se contenter de n’être, dans l’espace objectif ‒ disons dans l’espace que subjectivement l’on devine au-delà de notre subjectivité, lorsque la coupe d’or du solipsisme, trop basse, est, par le flot d’informations, débordée ‒, qu’un peu de matière organisée, et savoir en même temps oser être, dans l’espace subjectif, un dieu, et dans l’espace intersubjectif, membre d’une assemblée divine. Oui, en même temps, c’est-à-dire en grimpant sur ses propres épaules. […] » [14]
Malgré le fait que l’individuité soit le concept central de la pensée de Stéphane Sangral, il le considèrera lui-même comme une étape, aucunement comme un aboutissement ou une vérité, pour la raison que ce concept utilise encore, même réduit à la simple dimension de l’individu, le modèle conceptuel de la sacralisation. « Le processus d’individuité est, en même temps que le progressif passage à l’âge adulte de la civilisation, la progressive conscience que ce passage n’est fait ‒ prolongeant encore (puisqu’incapable de penser le sujet autrement que sur le mode de la transcendantalité) le puéril processus de sacralisation ‒ qu’avec le matériau de l’enfance. » [13].
Le projet sangralien s’inscrit dans celui, immensément ardu et, pour beaucoup de penseurs, totalement illusoire, de déconstruction de la métaphysique. Il s’agira d’abolir la métaphysique tout en récupérant son épaisseur existentiellement signifiante, « de trouver comment [faire avec] un monde sans dieu […] totalement livré à un « matérialisme-réalisme » [16] dira Didier Ayres. « Le positivisme [étant] le seul breuvage à n’être pas un poison » [17], mais laissant l’individu assoiffé, le but sera de creuser profondément l’espace représentationnel jusqu’à y trouver une source capable véritablement d’étancher la soif spirituelle de chacun. Creuser l’espace représentationnel permettant aussi de s’y aménager « une véritable place pour être, pour être autrement qu’écrasé dans l’apparence ou écartelé dans la profondeur, pour être infiniment » [18]. Une place, à notre mesure, « celle-là même que Dieu a désertée » [18]. Mais l’incertitude d’arriver véritablement à quelque chose est constamment présente dans toute l’œuvre.
[…]
pousser… passer du signe au symbole… pousser
le mot pousser hors de lui-même… épuisement…
l’herméneutique pousse Sisyphe où pousser
plus loin est impossible… écrire… épuisement
du texte hors de moi-même… apercevoir – pousser ! –
la – pousser ! – tête… et redesang… épuisement
de moi-même hors du texte… se lire… pousser
du symbole au Sang… râle d’épuisement…
Signe
encrypté d’impossible à la fin nous fait signe… [19]
Il est difficile de classer cette pensée dans un courant philosophique prédéfini (physicalisme ? nominalisme ? post-structuralisme ? postanarchisme ? existentialisme ?), ni de l’associer à un corpus d’autres auteurs ; malgré tout, Thierry Roger dira de Stéphane Sangral qu’il est l’écri-vain « de l’espacement mallarméen-derridien, autant que du ressassement blanchotien » [6].
Parcours de l’œuvre
Lors d’une interview, Stéphane Sangral reviendra sur le parcours de ses cinq premiers livres : « « Méandres et Néant », mon premier livre, montrait l’individu face au Néant, dans un rapport où, à part tourner en rond, rien n’était possible. Avec « Ombre à n dimensions (soixante-dix variations autour du Je) », mon deuxième livre, l’individu fait face à soi, au soi, à cette bizarrerie qu’est le soi, qu’est la possibilité de dire Je, dans un rapport où l’idée de sacralité du Je (mais une sacralité non métaphysique) pourrait potentiellement émerger. « Fatras du Soi, fracas de l’Autre », mon troisième livre, développe la situation où l’individu est face aux autres, dans un rapport certes difficile mais où l’idée de sacralité de l’individu émerge effectivement, au moins dans la place que l’individu, à mesure d’avancées civilisationnelles, occupe peu à peu dans le groupe. Le but étant de penser un monde où l’unité de mesure ne serait plus le groupe identitaire, avec toute sa malfaisance, mais, enfin, l’individu. Unité de mesure circonscrite au seul domaine politique, il ne s’agit bien évidemment pas de bloquer, dans le domaine ontologique, la progression de la réflexion sur l’individu en faisant de l’en-soi individuel un monolithe infragmentable. Mon quatrième livre, « Circonvolutions (soixante-dix variations autour d’elles-mêmes) », tente de creuser plus loin, au travers de soixante-dix poèmes parlant d’eux-mêmes, au travers donc des concepts d’en-soi, d’ipséité, d’autoréférence, au travers de cette image de boucle que j’aime tant, tente de creuser plus loin, mais de façon indirecte, la démarche de sacralisation non métaphysique de l’individu (mais est-ce qu’une sacralisation non métaphysique est seulement possible ?). Le langage y parle du langage, de sa façon de se transcender lui-même, de passer du texte, simple agencement symbolique, au poème, épaisseur sacrée. Cette démarche autotélique représente l’autotélisme qu’est la réflexivité de la conscience, qu’est la conscience de la conscience. Et la beauté qui émerge du poème représente le sacré qui émerge chaque fois qu’un soi se conscientise. « Des dalles posées sur rien », mon cinquième livre, s’attaque de façon plus frontale au problème de la conceptualisation de la conscience réflexive, autrement dit du Je : ce face-à-face avec l’être-soi descendra jusque dans les contrées obscures du non-être, sous la forme de la mort et du Néant, et remontera pour tenter enfin d’établir les bases ontologiques de ce concept d’individuité, d’établir les bases sur lesquelles chacun, chaque être conscient de lui-même, ne sera rien de moins qu’un dieu, et sur lesquelles tous les autres dieux, ceux qui nous écrasent de leur transcendance, mourront enfin. Commencer mon aventure éditoriale avec « Méandres et Néant », c’est-à-dire la commencer par le Rien, était important pour moi. Une sorte de lointain fantasme de tout reprendre à zéro, ou alors une sorte de lointain fantasme d’auto-émergence, de big bang ex nihilo. » [1 ]
Bibliographie :
Cycle de philosophie sociale :
(Sous la forme)
- Fatras du Soi, fracas de l’Autre, 2015
- […]
Cycle de poésie :
(l’absence s’enfle)
- Méandres et Néant, préface d'Eric Hoppenot, 2013
- Ombre à n dimensions (soixante-dix variations autour du Je), préface d'Alain Berthoz, 2014
- Circonvolutions (soixante-dix variations autour d’elles-mêmes), préface de Thierry Roger, 2016
- Là où la nuit / tombe, préface de Salah Stétié, 2018
- Infiniment au bord (soixante-dix variations autour du Je), préface de Denis Ferdinande, 2020
- […]
Cycle ne comportant pour le moment aucune publication :
(et vient le soir)
- […]
Cycle de philosophie ontologique :
(et l’azur épuisé jusqu’au bout du miroir…)
- Des dalles posées sur rien, 2017
- Préface à ce livre, 2019
- […]
Notes
1. Site Conversationalist : interview de Stéphane Sangral, part 1
https://conversationalist.co/2017/01/08/stephane-sangral-part-one/
2. L’impossible inscription dans l’être, Véronique Bergen, in La Nouvelle Quinzaine Littéraire n°1154 du 1er juillet 2016.
https://www.nouvelle-quinzaine-litteraire.fr/mode-lecture/l-impossible-inscription-dans-l-etre-1170
3. Site Editions Galilée
http://www.editions-galilee.fr/f/index.php?sp=livAut&auteur_id=2125
4. Méandres et Néant (Editions Galilée, 2013), quatrième de couverture
5. Méandres et Néant (Editions Galilée, 2013), p.25
6. La différance cérébrale – Anti-préface au livre sans fin, Thierry Roger, in Circonvolutions (Editions Galilée, 2016)
7. Stéphane Sangral : Ombre à n dimensions (Soixante-dix variations autour du Je), Préface d’Alain Berthoz, Jean-Luc Bayard, CCP, Cahier critique de poésie, 15 février, 2015 http://cahiercritiquedepoesie.fr/ccp-29-4/stephane-sangral-ombre-a-n-dimensions
8. Ressassement dans le labyrinthe, Éric Hoppenot, in Méandres et Néant (Editions Galilée, 2013)
9. Circonvolutions ou le poème-vertige de la déconstellation, Muriel Stuckel, Terres de femmes, La revue de poésie et de critiques d’Angèle Paoli
http://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2016/09/st%C3%A9phane-sangral-circonvolutions-par-muriel-stuckel.html
10. Le vers 12-syllabique et la phrase dans Ombre à n dimensions de Stéphane Sangral, Marc Dominicy, revue FPC (Formes poétiques contemporaines), Presses Universitaires de l’Université de Liège
11. Des dalles posées sur rien (Editions Galilée, 2017), p.58
12. Site Conversationalist : interview de Stéphane Sangral, part 2
https://conversationalist.co/2017/01/15/stephane-sangral-part-2/
13. Fatras du Soi, fracas de l’Autre (Editions Galilée, 2015), p.15
14. Des dalles posées sur rien (Editions Galilée, 2017), dernier chapitre
Lien vers l’extrait en pdf qu’en donne Galilée
15. Site Conversationalist : interview de Stéphane Sangral, part 2
https://conversationalist.co/2017/01/15/stephane-sangral-part-2/
16. Matière et révolte, Fatras du Soi, fracas de l’Autre de Stéphane Sangral, Didier Ayres, La cause littéraire, 11 juin 2015
http://www.lacauselitteraire.fr/fatras-de-soi-fracas-de-l-autre-stephane-sangral
17. Des dalles posées sur rien (Editions Galilée, 2017), p.116
18. Des dalles posées sur rien (Editions Galilée, 2017), p.138
19. Circonvolutions (Editions Galilée, 2016), p. 63