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Sept portraits <i>perfectionnés</i> de Guy de Maupassant
Format : 14 x 22 cm
Nombre de pages : 248
Prix : 32 €
Date de parution : 2005
ISBN : 9782718606750




Sept portraits perfectionnés de Guy de Maupassant

Accompagné de 8 dessins originaux et de 7 titres calligraphiés de Valerio Adami

PRÉSENTATION

« Sept portraits, pour dire ou pour rappeler qu’il en faut toujours plus d’un.
Perfectionnés, à cause de Kazimir Malévitch. À cause du tableau que, près d’un an avant son Carré noir, il présente pour la première fois à l’exposition de l’Union de la Jeunesse, Portait perfectionné d’Yvan Klioune, et qui n’est pas, on s’en doute, un portrait au sens traditionnel. Qui, en maniant la scie, en déroulant des formes tubulaires comme on pèle une pomme, comme on écorce un tronc, débite en feuilles minces une bille de bois, et bien qu’il n’en persiste pas moins à vouloir s’offrir à nous comme le portrait d’un bâtisseur (Yvan Klioune avait fait des études d’architecture), est un portrait en même temps singulièrement destructeur. Et destructeur, qui pis est, de l’idée même de portrait. De l’image princeps, l’image par excellence qu’est l’icône du Christ acheiropoiète, dite du Sauveur à l’œil perçant.
Qu’on entame celle-ci à coups de scie, comme le fait Malévitch en son Portrait perfectionné, qu’on en désassemble les parties, qu’on en sépare les pièces, comme si elle n’était composée en effet que de pièces et de morceaux, et il est constant alors qu’en fait d’icône il ne reste plus – c’est ce que crut devoir faire remarquer en 1915 le critique Alexandre Benois, lorsqu’il découvrit avec épouvante l’existence du Carré noir – que “l’icône du carré”. Parole profonde, et qui le devient vertigineusement si, sautant quelques années, au Carré noir sur fond blanc on substitue, stade certes suprême de toutes les énergies colorées mais surtout point de non retour, le Carré blanc sur fond blanc.
D’autant que ce qui ne fut d’abord qu’une métaphore était alors précisément sur le point de se confondre avec la réalité. Avec celle, en tout cas, de la peinture de Malévitch, quand, à la fin de sa vie, et au sortir d’une retraite philosophique, il se remet à peindre et qu’il peint des silhouettes entièrement dépourvues de visages. Aux visages du moins transparents et comme vidés de leur substance. Telle cette Tête de paysan avec barbe noire de 1928, et qui semble faite de la superposition, de l’empilement du Carré blanc sur le Carré noir. Du blanc du Carré blanc sur le noir du Carré noir.
Ultime perfectionnement, sur la voie duquel nous mettait, il n’y a guère, certain Portrait perfectionné, et où “perfectionné”, dans une sorte d’humour dévastateur (cubo-futuriste), ne s’entendait déjà que par antiphrase. À ceux qui, dans les années 1920, s’étonnaient que la figure, ce miroir de l’âme, se ramenât, chez Malévitch, à des formes vides, Malévitch lui-même répondait que l’homme nouveau “cherche encore son visage”.

Ainsi de Maupassant, si nouveau, si absolument nouveau, sous ce rapport. Sans visage, lui non plus. Maupassant dont le portrait officiel par Feyen-Perrin, un portrait cependant que donne toujours pour authentique l’album de la Pléiade, un portrait qui s’affiche en couverture de deux au moins des plus récentes biographies de l’auteur de Bel-Ami et qui malgré les démentis continue à illustrer les manuels de littérature, est un faux notoire. Et Maupassant dont les photographies, comparativement, sont rares. La tête de Dumas, à la date, est partout : libre à qui le souhaite d’en faire l’acquisition. La tête de Maupassant, nulle part. Elle n’appartient pas au public : “… je me suis refusé… aux reproductions, exhibitions ou ventes de mon visage”.
Troublant, au demeurant. Un visage troublant, qu’il est à peu près impossible de regarder avec quelque attention sans éprouver aussitôt la crainte que ce ne soit pas le sien. Pas vraiment le sien, pas complètement. Pas le sien jusqu’au bout. Comme si, de reproduction en reproduction, ce que ce visage manifestait de plus clair, c’était sa puissance de refus, sa volonté de ne pas se laisser prendre au piège de l’image. Son narcissisme négatif, si l’on préfère. Ce penchant qui depuis toujours l’incline vers l’inexistence, l’anesthésie, le blanc. Tous les perfectionnements du blanc…
Visage de l’autre corps, pour ainsi dire. Non du corps immortel “que le texte intronise et sacre”, mais de cette “défroque, écrit Pierre Michon dans un livre admirable, qui va à la charogne et s’appelle seulement Dante et porte un petit bonnet sur un nez camus, seulement Joyce et alors il a des bagues et l’œil myope, ahuri…”. Seulement Maupassant et alors, comme en surplomb de cette broussaille qui lui tient lieu de moustache, il a des yeux de lune. Avec au fond, tout au fond de leurs prunelles, dans une pénombre laiteuse, ce fantôme de regard qui, avec lenteur mais avec insistance, par sept fois ici, nous fait signe. »
            Ph. B.

© Éditions Galilée
Site édité avec le concours du Centre national du livre
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